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‘Désolé’, telle est en substance l’excuse récurrente alléguée par Zuckerberg

© REUTERS
Pieterjan Van Leemputten

Facebook s’excuse… C’est là un thème que les journalistes technologiques peuvent aborder au moins une fois l’an. Si on additionne les erreurs de ces dernières années, on en arrive à se demander s’il ne serait pas préférable que Mark Zuckerberg remette sa démission.

Facebook commet une faute, et les utilisateurs, les médias, la Justice ou la gent politique crient à la violation du respect de la vie privée. Que fait Zuckerberg alors? Il dit simplement: ‘Désolé, cela n’arrivera plus!” et x mois plus tard, il se passe autre chose. Voilà dans les grandes lignes à quoi ressemble le cycle que répète Facebook tout au long de son existence.

‘Dumb fucks’

Le fondateur et CEO de Facebook savait en 2004 déjà que les utilisateurs du réseau social aiment dévoiler leurs données, et estima que Facebook allait donc s’en occuper comme un bon père de famille. ‘They trust me, dumb fucks’ (ils me font confiance, ces bougres d’idiots), avait déclaré the Zuck dans un entretien privé de 2004 entre-temps révélé.

La prise de conscience que Facebook n’en a rien à faire de la confidentialité, remonte à fin 2007 déjà lors du lancement de Facebook Beacon. L’intention? Si vous achetiez ou faisiez quelque chose sur l’un des 44 sites partenaires de Facebook, cela se retrouvait automatiquement sur votre mur (le prédécesseur du flux de nouvelles). A la limite, cela pouvait encore passer pour l’acheteur d’un jeu vidéo, mais absolument pas pour quiconque achetait en secret une bague de fiançailles ou des… attributs érotiques pour la chambre à coucher.

Beacon fonctionnait bien, et ces informations faisaient l’objet d’un lien, même si vous n’étiez pas connecté à Facebook. Vous ne pouviez pas non plus vous opposer à leur parution, ce qui généra rapidement une vague de protestations. La fonction fut vite adaptée et arrêtée en 2009. Quatre années plus tard, Zuckerberg parla d’une ‘erreur’. Un peu plus loin dans cette lettre d’excuse, il ajoutait qu’il était ‘désireux de faire de Facebook un leader sur le plan de la transparence et du contrôle du respect de la vie privée.” C’était en 2011, et on attend toujours.

Le fait que des données puissent être aisément abusées, Facebook le savait déjà en 2010. A l’époque, un pirate éthique supprima quelque 100 millions de profils. Certes uniquement l’info publique, mais il n’empêche qu’alors aussi, des organisations de défense du respect de la vie privée signalèrent à l’entreprise que les paramètres de confidentialité étaient trop complexes et qu’il était trop facile de collecter les données de quelqu’un du réseau.

Cette même année, un Mark Zuckerberg enthousiaste déclara sur un podium que la confidentialité n’était plus la norme sociale: “Les gens trouvent confortable de partager en ligne de plus en plus d’informations avec de plus en plus d’autres personnes. La norme sociale a changé avec le temps.”

Ce que dit Zuckerberg, c’est une chose. Ce qu’il intègre aux conditions d’utilisation, c’en est une autre plus extrême encore. C’est ainsi qu’une adaptation datant de 2013 a fait en sorte que toutes les photos de profil aboutissent dans une banque de données centrale et que des annonceurs puissent les utiliser par reconnaissance du visage. Depuis 2014, l’entreprise exige votre autorisation pour utiliser vos données GPS, Bluetooth et wifi, afin de déterminer votre emplacement.

Censurer (ou pas)

Un autre point délicat s’il en est, c’est la façon dont Facebook est en échec au niveau de la bonne gestion de sa plate-forme mondiale. Plus le site mise sur les photos, les vidéos (live ou non), plus il apparaît que Facebook ne peut faire face à la nudité. Un sein (ou ce qui y ressemble) y est absolument prohibé. Quiconque enfreint les règles, risque d’être banni de la plate-forme. La violence, les menaces, le harcèlement et les insultes n’y sont pas non plus les bienvenus. C’est ainsi que même la peinture française ‘L’Origine du Monde’ a indûment été qualifiée d’oeuvre pornographique.

Tout cela est-il toujours attentivement contrôlé? Evidemment pas. L’année dernière encore, il est apparu que des images pédopornographiques, mais aussi des messages extrémistes appelant à commettre des attentats n’avaient pas été supprimés malgré les nombreuses réactions. Mais parfois, Facebook réagit aussi de manière trop rigoureuse ou trop laxiste. Ce ne serait peut-être pas une catastrophe sur un modeste forum internet, mais bien sur une plate-forme qu’utilise un tiers de la population mondiale.

Echec

En raison de la surabondance, il nous faut fortement restreindre notre liste d’erreurs et d’incongruités de la part de Facebook. Facebook et Whatsapp n’allaient au départ pas partager de données, mais on a vu ce que cela a donné ensuite, Zuckerberg veut que les actionnaires bénéficient de moins de droits (au profit de son propre contrôle), Facebook suit même les gens qui n’en sont pas membres (l’entreprise fut condamnée pour cela dans notre pays). On pourrait rendre cette énumération trois fois plus longue, sans compter que nous avons aussi oublié sans doute de mentionner au moins deux sérieuses infractions au respect de la vie privée.

Alors exit Zuck? Hélas!

Là où nous voulons en venir avec cette liste, c’est que Mark Zuckerberg a mis en place en quatorze ans un puissant empire, qui continue cependant de se comporter comme une modeste startup qui, à chaque nouveau scandale, ne cesse de s’excuser et de répéter que ‘cela n’arrivera plus’. Sorry Mark, tel n’est pas du tout le cas.

Voici le moment venu, où l’on pourrait dire haut et fort que Zuckerberg doit s’en aller. Son entreprise à succès affiche en effet un côté dont seul un dictateur pourrait être fier. Mais ne nous berçons pas d’illusions: Zuckerberg dispose d’une puissance suffisante au sein de son organisation pour rester au pouvoir. La réalité, c’est que le modèle commercial de Facebook vit de la violation du respect de la vie privée plus ou moins légalisée.

Tant Zuck qu’un éventuel successeur ont comme tâche principale de maintenir ce non-respect de la vie privée, de le monnayer et de faire entre-temps en sorte que nous, les utilisateurs, ne trouvions pas cela trop grave et nous en accomodions. Les rentrées financières se poursuivront aussi longtemps que nous continuerons de faire confiance à Facebook, à Instagram et à Whatsapp, nous les bougres d’idiots…

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