L’inventeur du World Wide Web: ‘Les plates-formes dominantes freinent l’innovation’

Tim Berners-Lee © .
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

29 ans exactement après que Tim Berners-Lee ait lancé l’idée du World Wide Web, le voici qui lance une mise en garde, selon laquelle l’internet est toujours davantage dominé par une poignée d’acteurs en vue. “Il en résulte que les vingt prochaines années seront moins innovantes que les vingt dernières.”

Le 12 mars 1989, il y a aujourd’hui exactement 29 ans, le Britannique Tim Berners-Lee émettait l’idée d’un système permettant de partager des documents contenant des hyperliens avec d’autres. Il travaillait à l’époque au CERN, l’institut de recherche, où un grand nombre de scientifiques collaborent dans le domaine des accélérateurs de particules, et pouvaient donc utiliser ledit système pour s’échanger des informations sur l’avancement de leurs travaux. Conjointement avec le Belge Robert Cailliau, Tim Berners-Lee fit évoluer le système jusqu’à devenir le World Wide Web que l’on connaît aujourd’hui. Deux ans plus tard, il lançait le tout premier site web: http://info.cern.ch. Quatre années plus tard, on recensait déjà plus de 3.000 sites web, alors qu’aujourd’hui, il y en a quasiment deux milliards.

Selon Berners-Lee, nous connaîtrons cette année le moment, où plus de la moitié de la population mondiale sera en ligne. Il est par contre moins positif sur le devenir d’internet.

Nouveaux portiers

“Ce que découvrent aujourd’hui les nouveaux surfeurs, ce n’est plus le web qui a réuni de si nombreuses personnes des années durant. Ce qui était autrefois une riche sélection de blogs et de sites web, s’effondre à présent sous l’imposant poids de quelques plates-formes dominantes. Cette concentration de puissance crée une nouvelle sorte de portiers, faisant en sorte que seule une poignée de plates-formes déterminent quelles idées et opinions peuvent être vues et partagées”, écrit-il dans une lettre ouverte.

Selon Berners-Lee, ces plates-formes dominantes protègent leur propre position en fixant des limites aux nouveaux concurrents et en rachetant directement des startups, leurs innovations ou leur talent. “Ajoutez-y encore l’avantage compétitif qu’elles tirent de toutes leurs données collectées, et l’on peut affirmer qu’on peut s’attendre à ce que les vingt prochaines années soient moins novatrices que les vingt dernières.”

‘Pas trop tard pour corriger le tir’

Berners-Lee cite encore un autre problème dû à la concentration de force de plusieurs entreprises internet: “Ces dernières années, on observe que des théories de complot sont propagées sur les médias sociaux, que des comptes Twitter et Facebook factices sont créés, que des acteurs extérieurs influencent des élections et que des criminels volent nos données personnelles.”

Et d’ajouter que tout cela peu impacter la vie de millions de gens et qu’il convient de nous tourner surtout vers les plates-formes elles-mêmes pour résoudre les problèmes: “La responsabilité repose sur les épaules d’entreprises qui sont créées pour engranger du bénéfice et pas pour promouvoir le bien-être social.” Pour lui, une réglementation plus stricte pourrait aider à supprimer les tensions actuelles.

Selon Tim Berners-Lee, il n’est en effet pas encore trop tard pour corriger les erreurs auxquelles internet est confronté aujourd’hui: “Les problèmes sont complexes et de taille, mais on doit les considérer comme des bugs, à savoir des difficultés causées par du code existant et des logiciels créés par des humains. Elles peuvent donc être résolues aussi par des humains.” De plus, il nous faut, dit-il, abandonner l’illusion que la publicité est la seule façon de gagner de l’argent en ligne.

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