La nouvelle stratégie de croissance d’Uber repose sur les investissements

© Reuters
Els Bellens

Dans son désir de conquête de pays lointains, Uber se heurte à la résistance farouche des services locaux. L’accord conclu avec Yandex indique que l’entreprise change toujours plus souvent son fusil d’épaule dans ce rapport de force: si elle ne peut vaincre, elle préfère investir.

Le plan de conquête d’Uber fut d’une étonnante simplicité pendant longtemps: le recours à la force brute. Ignorer les règles en vigueur, lancer simplement le service dans une ville et descendre aussi bas que possible en-dessous du tarif appliqué par les services de taxi existants, de telle sorte que personne ne puisse s’en passer. Il apparaît à présent toujours plus souvent que cela ne fonctionne pas.

L’entreprise, dont la valeur est estimée à 70 milliards de dollars, aime se profiler comme l’un des seuls services de déplacement de taille mondiale, mais elle aboutit ainsi toujours plus souvent dans le sillage des services de taxi locaux. Pendant longtemps, on pensa que l’avance technologique d’Uber provoquerait la disparition des services de taxi plus modestes, mais ce raisonnement semble ne pas être correct. L’entreprise mise donc désormais sur un autre cheval: si elle ne peut vaincre, mieux vaut investir.

Tel fut le cas avec Yandex la semaine dernière. Uber annonça une fusion avec le ‘Google russe’, afin de proposer conjointement des services en Russie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Biélorussie, en Géorgie et au Kazakhstan. Uber injecte 225 millions de dollars dans la nouvelle entreprise créée et y prend une participation de 36,6 pour cent. Pour sa part Yandex y investit 100 millions de dollars et obtient une participation majoritaire de 59,3 pour cent. La collaboration est le résultat d’une lutte à la fois longue et très coûteuse au cours de laquelle les deux entreprises ont perdu des millions.

Il en est allé de même en Chine. L’année dernière, Uber y jeta l’éponge. Son concurrent Didi Chuxing l’avait en effet emporté au terme d’un combat de parts de marché qui coûta deux milliards à Uber. En échange, Uber obtint une participation de 17,5 pour-cent dans son rival chinois. Pour Uber, il s’agit là du reste de deux accords particulièrement lucratifs. Ils signifient en effet que l’entreprise peut avoir son mot à dire sur ces gigantesques marchés, sans qu’elle doive puiser de l’argent dans son tiroir-caisse pour les conquérir.

Des procès partout

Il lui reste ainsi plus de moyens financiers pour payer ses avocats car en Europe, l’entreprise enfreint toutes sortes de lois. C’est ainsi qu’elle dut se résoudre à quitter le Danemark en mars, parce que la nouvelle réglementation danoise l’aurait forcée à se comporter comme une véritable entreprise de taxi avec l’installation de compteurs dans les voitures. En Espagne et en France, on assista à des protestations à grande échelle de chauffeurs de taxi professionnels. Dans une affaire opposant la France à UberPOP devant le Tribunal européen, la Justice recommanda au pays de considérer le service, entre-temps supprimé, comme une entreprise de taxi illégale. Il ne s’agit provisoirement que d’un avis, et le juge doit encore prononcer un jugement définitif plus tard cette année.

Les principaux arguments présentés par Uber, selon lesquels il ne s’agit pas d’un service de taxi qui ne doit donc pas s’en tenir aux lois s’appliquant dans ce domaine et ayant trait notamment aux pensions et aux licences pour les chauffeurs, se heurtent du reste aussi à une résistance dans le sud-est asiatique, entre autres à Hong Kong, à Taïwan et en Thaïlande. Cette semaine encore, le service cessera à Macao. Une solution possible pour éviter qu’Uber soit considérée comme un moyen de transport illégal, est de collaborer avec des entreprises locales. Voilà ce qu’Uber tente de faire à Taïwan.

Conquérir le monde n’est donc peut-être pas aussi aisé qu’imaginé initialement. Mais Uber est loin de se tenir pour battue. Sa prochaine cible sera peut-être l’Inde, où la firme Ola locale a réussi au début de cette encore à recueillir 350 millions de dollars pour son service de transport. Dans ce pays, Ola a l’immense avantage de connaître le marché local. Elle est entre-temps présente dans 110 villes indiennes. Si Uber veut amplifier encore sa rentabilité, il serait peut-être indiqué d’y conclure un accord, voire un rachat.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire