La véritable mort du disque dur est-elle vraiment annoncée?

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Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Depuis l’arrivée du SSD (solid state disk), les observateurs en font le successeur attitré du disque dur traditionnel (HDD). Samsung estime que le point de non-retour a désormais été atteint, sachant que les prix continuent à baisser pour des capacités en constante augmentation.

Depuis 2012, le marché mondial des SSD et accessoires a été multiplié par 6. Ce marché du SSD croît même plus rapidement (+ 45 % d’année en année) que celui des smartphones (+ 19 %), aux dires de Samsung qui vient d’organiser son SSD Global Summit annuel, un événement qui se veut à la fois une vitrine de l’introduction de nouveaux produits et une présentation des dernières tendances du marché. Et une tendance est en tout cas évidente aux yeux de Samsung : le SSD s’impose toujours plus à la fois dans l’électronique grand public, dans les ordinateurs professionnels et dans les centres de données. Prélude à la disparition maintes fois annoncée du disque dur ?

Sept dominos

Force est de reconnaître qu’au fil des années, nombre d’inconvénients initiaux du SSD ont été gommés. Ryan Smith, director NAND product marketing chez Samsung, évoque les 7 dominos qui devaient tomber avant que le disque dur et ses pièces mécaniques entrent définitivement au musée.

Le premier domino – le plus facile – est déjà tombé en 2010 selon Smith : les performances, entendez la vitesse moyenne d’écriture et de lecture. En effet, dès 2011, les SSD à connexion SATA atteignaient déjà facilement une vitesse de transfert de plus de 500 Mo/s. Et la première génération de SSD selon le standard PCIe dépassaient le débit de 1.100 Mo/s, alors que la vitesse ne faisait qu’augmenter d’année en année. La vitesse d’écriture du nouveau Samsung 960 PRO présenté au Summit affichait une vitesse de 3.500 Mo/s maximum et une vitesse de lecture de 2.100 Mo/s, alors que le 950 PRO introduit voici exactement un an – n’offrait encore ‘que’ 2.500 Mo/s et 1.500 Mo/s respectivement. Soit des débits auxquels ne peut prétendre aucun disque dur. L’explication ? Ces SSD s’appuient sur la technologie NAND verticale et sont basés sur le protocole NVME ou non volatile memory express, ce qui permet des débits nettement supérieurs par rapport à l’interface SATA standard des SSD conventionnels.

Bruit, consommation et fiabilité

Tout utilisateur qui dispose d’un SSD dans son ordinateur portable ou de bureau concèdera volontiers que le bruit d’un SSD n’a rien de comparable à celui d’un HDD. En moyenne en effet, un disque dur produit 25 décibels, contre 0 décibel pour un SSD puisque celui-ci n’intègre aucune pièce mécanique en mouvement. Et en matière de consommation d’énergie, le SSD surpasse le HDD en étant jusqu’à 7 fois moins énergivore, toujours selon Ryan Smith.

Mais un argument plus récent joue à nouveau en faveur du SSD : sa fiabilité et sa durée de vie. Un argument que les fabricants de SSD renforcent en proposant une garantie supplémentaire. Ainsi, les SSD haut de gamme de Samsung sont proposés avec pas moins de 10 ans de garantie d’usine, tandis que 3 ans sont offert sur les modèles bon marché d’entrée de gamme.

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Encombrement réduit

Au fil des ans, le SSD a fortement ‘maigri’, passant à 2,5 pouces – sans surprise le format des disques durs de laptops – puis en MSATA et en M. 2. La dernière génération – à savoir donc aussi les 960 PRO et EVO récemment présentés – s’apparente d’ailleurs davantage à un ‘module’ qu’à un disque puisqu’il s’agit de ‘barrettes’ comme on en retrouve dans la mémoire RAM d’un ordinateur. Soit un format plus compact et offrant davantage de possibilités aux fabricants, même si l’écosystème NVME est encore en phase de construction. “Mais la chaîne complète est impliquée, depuis le système d’exploitation et le BIOS/UEFI jusqu’au jeu de puces. Nous constatons d’ailleurs cette année une tendance claire à l’adoption massive du NVME”, prétend Smith.

Pour 2016, Samsung espère vendre quelque 56 millions de SSD de type SATA, contre 33 millions en technologie PCIe/NVME. Et l’an prochain, les prévisions font état de 51 millions de disques SATA, mais un doublement du segment PCIe/NVME à 64 millions d’unités. Et 2018 devrait être l’année de la percée définitive, le segment SATA se réduisant de moitié pour un doublement des ventes de PCIe.

Les datacenters suivront

Les SSD représentent un important after market, à savoir les utilisateurs qui veulent doper leur ancien ordinateur. Outre un nouveau processeur, l’installation d’un SSD constitue de loin la solution de mise à nouveau la plus populaire. Reste que dans les entreprises également, le nombre de SSD est en croissance. “Le protocole SATA a atteint ses limites techniques : le NVME s’impose pour augmenter la vitesse. Les entreprises qui doivent pouvoir lire et enregistrer très rapidement des données ont tout intérêt à choisir le SSD. Cela va doper la croissance”, croit savoir Willow You, director of branded product marketing chez Samsung.

Par ailleurs, il se dit convaincu que les datacenters vont également suivre. “Le coût total de propriété d’un centre de données de 100 Po est de 40 % inférieur si on utilise des SSD au lieu de HDD. La consommation électrique diminue, tandis que l’on économise aussi au niveau des pannes”, explique encore You.

Concurrence accrue

Samsung est clairement leader du marché du SSD, avec plus de 40 % des 33,7 millions de SSD vendus au 2e trimestre selon les chiffres du cabinet spécialisé Trendfocus. Cela dit, Samsung a perdu quelques pour cent par rapport au 1er trimestre. La raison est simple : la concurrence accrue et la baisse des prix qui profitent à la concurrence. Sans parler de la consolidation – Western Digital qui a repris Seagate notamment pour devenir le n° 2 en parts de marché avec 13,6 % – qui met la pression sur le leader du marché. Lite-One occupe la 3e place avec 9,7 %, suivie de près par Kingston avec 9,4 %. Le reste du marché se répartit entre Intel, Toshiba, Micron et les autres.

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Cela dit, pour un datacenter, la capacité de stockage n’apparaît-elle pas comme plus importante, un domaine où le SSD n’est pas vraiment performant ? “C’était vrai voici 12 mois encore. Mais entre-temps, les SSD se sont améliorés en capacités. Mieux encore, les SSD ont rattrapé leur retard grâce à une technologie comme le stacking qui superpose des couches de mémoire Flash. Ainsi, Samsung proposait déjà un disque de 15 To – au prix certes de 10.000 $ -, mais en août dernier, l’ennemi juré Seagate créait la surprise en annonçant un SSD SAS de 60 (!) To au format 3,5”. Un tel disque permet de stocker 400 millions de photos ou 12.000 films et s’adresse clairement au marché professionnel – et surtout les datacenters qui peuvent ainsi remplacer leurs anciens disques 3,5” par de tels SSD.

Prix en chute libre

Le 7e et dernier domino à faire tomber avant l’abandon définitif du disque dur était le prix. En effet, les SSD ont toujours été plus chers que les HDD. Même beaucoup plus chers en termes de prix par Go. Cela dit, le coût par Go d’un SSD a fortement diminué ces dernières années, passant de 1,17 $/Go à 0,36 $/Go, soit une baisse de 69 %.

“Nous sommes clairement à un moment charnière typique de l’adoption de masse. La première vague est attendue l’an prochain avec un SSD de 128 ou 256 Go au même prix qu’un disque dur de 500 et 1.000 Go. La période intéressante est celle qui précède directement ce point de rupture : à ce moment-là, la différence de prix équivaut à une pizza. C’est alors que l’adoption de masse intervient, précise Ryan Smith. Quoi qu’il en soit, il est clair à mes yeux que le dernier domino qu’est le prix est tombé. Dès lors, chacun sait ce qu’il adviendra du disque dur.”

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“Nous constatons que les SSD sont clairement devenus moins chers et que les HDD sont nettement moins demandés, confirme Friso Harigsma, directeur général d’AntwerpDC. Voici quelques années, on rencontrait encore des problèmes de livraison, mais c’est désormais terminé. Les SSD s’imposent clairement comme le standard dans les nouveaux serveurs, ce qui s’explique par les baisses de prix.”

Pour les capacités de stockage importantes, les HDD ou les bandes restent certes populaires. “Tout dépend du type d’application. Si les performances sont vraiment importantes ou dans le cas du cloud, le SSD est certainement à privilégier. Car pour le pur stockage de grosses capacité, le SSD se révèle pour l’instant toujours trop coûteux, ajoute Haringsma. Au final, le HDD disparaîtra, mais l’échéance reste incertaine. Le prix est évidemment un facteur important, mais il reste de grands systèmes hérités qu’il n’est pas facile de remplacer simplement. A ce niveau, le HDD continuera encore longtemps à jouer un rôle, tout comme on voit encore des mainframes notamment.”

Western Digital commercialise ses propres SSD

Voici 6 mois environ, le fabricant de disques Western Digital (WD) finalisait le rachat de SanDisk, surtout spécialisée en SSD et produits Flash NAND. Entre-temps, WD commercialise aussi sous la marque Western Digital des SSD basés sur la technologie de SanDisk. C’est ainsi que le SSD WD Blue est disponible au format 2,5” ou M. 2 avec une capacité de 1 To. La démarche de WD semble confirmer que les SSD sont un substitut à part entière, ou tout au moins un complément idéal, du HDD.

Le HDD pas encore hors jeu

“Je ne vois pas encore le disque dur est pensionné, voire prépensionné, avant longtemps, estime pour sa part Wart Bauwens, region head Seagate Benelux/DACH. A l’avenir, le demande de stockage continuera à croître de manière exponentielle, de même que les innovations dans le HDD. Car même si le disque dur régresse dans le desktop, il est loin d’être mort.”

Dans les NAS et les datacenters qui constituent le cloud, les HDD sont largement utilisés, de même parfois aussi que les SSHD ou solid state hybrid drives qui combinent les atouts du SDD et du HDD. A voir la mémoire du SSD pour des débits élevés et le volume de stockage à moindre coût du HDD dans une unité hydride. Mais il y a d’autres segments où le disque dur reste privilégié, affirme encore Bauwens. Les jeux par exemple. “Un jeu moderne moyen représente souvent vite 50 Go. Seagate est la seule à commercialiser le stockage Xbox officiel ainsi que les kits d’upgrade pour la Playstation et des unités SSHD pour les jeux sur PC.” De même, Seagate entrevoit des débouchés pour le HDD dans la surveillance par vidéo et le streaming, tandis que les professionnels et le secteur créatif peuvent se tourner vers ce fabricant pour combiner performances élevées et stockage de très haute capacité. “C’est le cas du LaCie BIG, un DAS offrant des débits Thunderbold 3 et une capacité de 96 To”, dixit encore Bauwens.

Enfin, les HDD apparaissent comme un support idéal pour les sauvegardes. “Les backups locaux ne se feront pas directement sur des SSD coûteux dont le prix par Go reste toujours quelque peu plus élevé. Il s’agit là toujours d’un segment de marché non-négligeable”, conclut Bauwens.

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