Kristof Van der Stadt

Les neufs après la virgule

Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News
En 2016, la disponibilité des distributeurs de SNCB a diminué à 94 %, c’ est ridicule.

En informatique, il est souvent question de disponibilité, le tout associé à des SLA ou service level agreements. Vous souhaitez un uptime maximum. Il vous en coûtera un… maximum, mais vous serez à l’abri si un problème survient. Peut-on trouver moins cher ? Vous risquez de connaître des problèmes et de ne pas voir votre fournisseur se pointer au beau milieu de la nuit pour intervenir. Et entre les deux ? La fourchette est très large et concernera la plupart des entreprises soucieuses de trouver le meilleur équilibre entre prix, exigences de qualité et garanties. Il s’agit d’une question de neufs. Ou plus précisément du nombre de neufs après la virgule dans 99. Ainsi, un SLA de 99,99 % signifie 4 minutes et 23 secondes par mois d’indisponibilité du service. Soit un peu plus de 4 minutes sans Internet dans votre entreprise par exemple. Ou 4 minutes sans pouvoir accéder à votre courriel. Et si l’on parle de 99,9999 %, il est question d’à peine 2,6 secondes.

Les SLA se retrouvent partout en IT, qu’il s’agisse de connectivité ou de disponibilité effective d’un service. Wordline – entendez l’ancienne Bancontact – applique un SLA de 99,8 % pour la disponibilité de son système de paiement pour les commerçants. Soit au moins 99,8 % des transactions qui doivent être effectivement exécutées. Si Wordline n’y arrive pas, les commerçants ont droit à des compensations automatiques.

Reste que toutes les entreprises ne suivent pas la même logique. Et la SNCB raisonne même tout à fait différemment et ose faire payer à ses voyageurs un supplément si un distributeur de billets ne fonctionne pas. C’est le fameux tarif à bord avec supplément de 7 € à payer à l’accompagnateur de train. Certes, il existe désormais un système permettant de détecter automatiquement une panne et qui désactive ce supplément sur le système de paiement de l’accompagnateur. Mais – et vous l’aurez deviné -, il arrive que ce système de détection tombe en panne. Dans ce cas, seul le service clientèle peut corriger le tarif de bord à chaque départ du train, à condition que la panne soit signalée et que son authenticité soit contrôlée. La probabilité d’avoir déjà payé le supplément dans le train est donc importante.

Or les cas où il est impossible de payer à un distributeur automatique sont en augmentation. En 2016, la disponibilité des distributeurs a en effet diminué de 98,5 % à 94 %. Dans 2 % des cas, le distributeur était totalement hors service et dans les autres cas, il était impossible de payer avec une carte de banque (près de 1 %) ou en espèces (plus de 3 %). Voilà ce qui ressort d’une réponse du ministre compétent François Bellot (MR) à une question du parlementaire CD&V Jef Van den Bergh. Soit 94 % de disponibilité, ce qui est ridicule, d’autant que la SNCB se targue précisément d’investir dans des distributeurs pour justifier la fermeture de guichets. En 2015 déjà, des associations de voyageurs pointaient du doigt ces pannes dans une lettre ouverte au patron de la SNCB de l’époque, Jo Cornu. Lequel se fendit d’un laconique : “La toute grande majorité fonctionne et la disponibilité atteint 98 %.” La réalité est qu’un an plus tard, cette disponibilité a encore baissé de 4 % pour les désormais 750 distributeurs de billets. L’accepterions-nous de distributeurs de billets notamment ? A savoir qu’ils seraient en panne dans 6 % des cas ? Alors que dans le même temps, l’agence bancaire locale fait place à un projet de construction immobilière ?

Entre-temps, les coûts de maintenance opérationnelle de ces distributeurs – assurée par Ypto, une filiale IT de la SNCB – s’envolent pour atteindre 3 millions a en 2016. Si les coûts opérationnels d’une solution IT aussi cruciale sont inversement proportionnels à la disponibilité et à la performance de ladite application, c’est qu’il y a un problème fondamental. Il ne faut pas commencer à rêver des neufs après la virgule. Heureusement, il existe désormais une appli mobile pour acheter son billet en route. A condition évidemment de posséder une carte de crédit car il s’agit du seul moyen de paiement accepté. Et d’espérer que la batterie de son smartphone ou de sa tablette ne rende pas l’âme entre-temps, sans quoi il faudra s’en remettre au formulaire C170. Ce qui coûte. Mais ce n’est pas neuf…

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