Carte blanche

Oubliez le kilowattheure: le fournisseur d’énergie de demain veillera à votre confort

Ces dix prochains jours, on se ruera de nouveau massivement à Batibouw, la grand-messe annuelle du Belge, celui-là même qui a une brique dans le ventre. Il y recherchera opiniâtrement des réponses à ses questions: chaudière à haut rendement ou à condensation? Radiateurs ou convecteurs? Chauffage par le sol ou par air? Eclairage diffus, direct ou indirect? Les dépliants publicitaires promettent tous de meilleures performances à moindre coût. A Batibouw, nous serons saoulés par les conseils et les démonstrations, avant de rentrer complètement exténués à la maison.

Oubliez le kilowattheure: le fournisseur d’énergie de demain veillera à votre confort

Une minorité estime intéressant de comparer et étudier les offres, mais la plupart n’en ont que faire. Leur message: “Veillez à chauffer mon habitation, lorsqu’il fait froid dehors, à la rafraîchir quand il fait chaud à l’extérieur, et à l’éclairer, lorsque la nuit tombe.”

C’est un peu ce que déclara l’architecte Thomas Rau – une autorité mondiale en matière d’architecture durable – quand il demanda pour ses nouveaux bureaux un projet d’éclairage à Philips. “Je ne veux pas d’ampoules, mais de la lumière. Autant de lux et autant d’heures par an.” Et Philips lui proposa en retour un plan prévoyant que Rau ne paie plus pour des ampoules, mais pour de la lumière. Pas pour les appareils, mais pour le service. Pour le confort.

Pour les loisirs, on considère ce modèle déjà parfaitement normal et on le qualifie de ‘streaming’. Spotify fut à l’origine d’une révolution dans la façon d’écouter la musique. Netflix fit pareil pour les séries télévisées. Et en mobilité, on voit se dessiner une tendance identique: à Bruxelles, des entreprises telles Zipcar et DriveNow offrent des voitures partagées qu’on réserve et ouvre au moyen d’une appli. Les jeunes, surtout ceux qui habitent en ville, ne doivent donc plus s’acheter une automobile et la parquer devant leur porte.

Mary Meekers, investisseuse de la Silicon Valley et l’une des 100 femmes parmi les plus puissantes au monde selon le magazine d’affaires Forbes, voit dans ses plus récents rapports en matière de tendances une nouvelle vague de solutions IoT (internet des choses) nous arriver, qui permettront de personnaliser fortement les services.

Sur le plan de l’énergie et des services correspondants, cela signifie que le client ordinaire n’achètera plus de chaudière, radiateurs, conditionnement d’air ou des ampoules, mais de la chaleur, du refroidissement, de la lumière (comprenez: de l’ambiance) et de la quiétude. De l’Energy-as-a-Service disponible où et quand nous en aurons besoin, sans devoir nous casser la tête au niveau de l’achat ou de l’entretien. Nous y renoncerons et nous nous en remettrons au fournisseur.

Mais l’évolution ne s’arrêtera pas à la seule énergie. Les limites entres cette dernière et les autres services de confort vont se dissiper er se rencontrer dans ce qu’on appelle un système d’automatisation de l’habitat, qui regroupera la sécurité, le confort et le chauffage.

Et on l’observera cette année déjà à Batibouw: la domotique telle qu’on la connaissait précédemment, n’existe plus en réalité. Alors qu’une habitation “intelligente” nécessitait avant encore un câblage kilométrique traversant toute la maison, il est possible aujourd’hui en un tour de main de combiner des solutions via wifi et de les commander toutes avec le smartphone.

La technologie permettra donc de faciliter nettement la vie du consommateur. Grâce à des capteurs omniprésents et à du software intelligent, il sera parfaitement possible de transférer chez le fournisseur les petits soucis de consommation énergétique. Quelqu’un a-t-il ouvert une fenêtre? L’airco se désactivera de lui-même dans ce cas. La porte arrière est-elle entrebâillée, et vous voulez activer le chauffage? Une notification sur votre smartphone vous invitera à fermer d’abord ladite porte.

La technologie permettra aux consommateurs et aux fournisseurs de collaborer à une réduction de la consommation et à une utilisation plus durable de l’énergie. Dans ce modèle, le consommateur optera pour un niveau de confort spécifique, et le fournisseur garantira celui-ci. Le chauffage en hiver, l’airco en été. L’éclairage d’ambiance. La sécurité dans et autour de la maison. Le fournisseur aura alors tout intérêt à diffuser (‘streamer’) ces services de la manière la plus optimale possible et sera incité à trouver la manière la plus économique de les proposer.

C’était du reste précisément ce que Thomas Rau observa, lorsqu’il fit remarquer à Philips que ce n’était pas lui, mais bien Philips qui devrait payer l’électricité de son éclairage: “En fin de compte, le représentant de Philips nous fit une proposition, où ne subsistait qu’une fraction du nombre d’ampoules dans le cadre d’un nouveau modèle plus économique en énergie.”

Est-ce aller trop loin? Pas du tout. La technologie autorisant ces applications existe en grande partie dès aujourd’hui: les capteurs deviennent toujours meilleur marché et davantage fiables, et le nombre d’applications ‘intelligentes’ augmente de façon exponentielle (Batibouw le démontrera du reste clairement). Du point de vue technique, le principal obstacle réside peut-être dans une norme veillant à ce que tous les appareils intelligents dans une habitation puissent dialoguer. Mais ici encore, la course est pleinement lancée sur le plan du développement. C’est ainsi qu’innogy, la maison mère d’essent.be, a mis au point un protocole propre pour les applications ‘smart home’.

Peut-être y aura-t-il dans un premier temps des entreprises qui montreront la voie vers ce nouveau modèle de diffusion de l’énergie – à l’instar du leasing de voitures. Je l’attends même à très court terme, dans les cinq ans. Et comme on a vu après un certain temps se manifester un auto-leasing particulier, ce sera ensuite une question de temps, avant que le consommateur ne distingue aussi les avantages d’un modèle qui lui facilitera la vie.

Une évolution allant d’un modèle d’appareils vers un modèle de services offrira non seulement un plus grand confort au consommateur, mais ce sera aussi une bonne nouvelle pour la planète. La durabilité deviendra en effet une responsabilité partagée du consommateur et du fournisseur et ce, encore davantage que ce qu’elle est aujourd’hui. Nous ne pourrons que nous nous en réjouir.

Pierre Pignolet est Managing Director chez Essent.be.

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