Quand le comptable devient consultant métier

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Els Bellens

Quand on évoque le comptable, il est encore très souvent question de la boîte à chaussures remplie de tickets et de la farde pleine de factures imprimées, souvent complétées à la main, autant de documents livrés chaque trimestre. Pas vraiment une image de technologie de pointe. Pourtant, les comptables sont concernés par la transformation numérique.

Telle est du moins la conclusion à laquelle sont arrivées plusieurs études d’une association professionnelle. Sans surprise, deux d’entre elles émanent d’éditeurs de logiciels comptables (Sage et Wolters Kluwer), mais force est de reconnaître que l’Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes Agréés (IPCF) suit le même raisonnement. L’étude de l’IPCF menée auprès de ses 6.000 membres indique en effet que 59 % des comptables/fiscalistes travaillent désormais de manière numérique, tandis que 17 % environ l’envisagent. Et l’enquête précise encore que 66 % envisagent de passer à la facturation numérique, alors que 13 % le font déjà. Reste que pour beaucoup, le numérique reste surtout une vague idée.

” Les comptables constatent que ces derniers mois, le processus de transformation numérique s’est accéléré, constate Alex Dossche, directeur général de Sage Belgium. On voit émerger un nombre record de start-up. De plus en plus de natifs numériques entrent dans la vie active et ont été élevés aux technologies. Des technologies qu’ils veulent aussi pouvoir utiliser dans leur vie professionnelle. Les comptables doivent accélérer leur numérisation pour répondre aux besoins des collaborateurs de type digital native. ”

Les comptables doivent accélérer leur numérisation pour répondre aux besoins des collaborateurs de type digital native

Pour l’instant, peu de bureaux sont passés au numérique. ” Beaucoup travaillent encore avec du papier, constate Ronny De Goedt, directeur général Tax & Accounting chez Wolters Kluwer en Belgique. Mais je pense que l’évolution est en marche vers la numérisation et l’informatisation. On voit aujourd’hui émerger une catégorie de bureaux qui sont vraiment en pointe. Il s’agit souvent de jeunes, de starters qui lancent un bureau numérique. Ils travaillent également avec des clients PME qui sont à fond dans le numérique et ne vont pas accepter qu’un client débarque avec une grosse farde de documents. ” Il s’agit là encore d’une minorité, reconnaît De Goedt, mais le virage est désormais pris.

Le papier comme base

” Le processus débute en général par la numérisation de documents, explique encore De Goedt. Il n’est pas encore question de l’envoi de PDF vers le comptable. Souvent, les documents sont encore imprimés et encodés manuellement. Mais le scanning sur base de documents OCR permet une numérisation toujours plus grande avant de passer, éventuellement avec l’IA, à une automatisation plus poussée. Pas étonnant dès lors que les logiciels comptables, et notamment ceux de Sage et de Wolters Kluwer, sont désormais auto-apprenants et puissent reconnaître certains documents. ” Sur base de policies, il est possible notamment de faire enregistrer automatiquement des factures. Ainsi, si l’on a chaque mois la même facture télécoms, il est possible d’y appliquer une politique et de l’encoder automatiquement. Il doit s’agir là de la première phase de la numérisation du bureau comptable. “

Le processus débute en général par la numérisation de documents.
Le processus débute en général par la numérisation de documents.© Istock

Temps

Ce niveau de technologie et d’automatisation impactera très certainement la fonction. Rien que le gain de temps induira des changements. ” Dans notre étude, 23 % précisent que le temps gagné par l’informatisation sera utilisé pour travailler moins “, ajoute Myriam Vermaut, présidente de l’IPCF. A noter à cet égard que les comptables font en moyenne 23 heures supplémentaires par semaine. ” Voici quelques années encore, la numérisation et l’informatisation étaient rejetées, ajoute Dossche. Les comptables voient bien qu’ils pourraient gagner du temps, mais il ne s’agissait pas d’un argument décisif. Beaucoup se demandaient ce qu’ils allaient faire de leurs collaborateurs, alors que l’on constate désormais qu’un nombre croissant de bureaux cherchent la valeur ajoutée. ”

Cette valeur ajoutée réside notamment dans de nouveaux services aux clients. Sage, qui a réalisé sa propre enquête auprès de 6.000 comptables à l’échelle mondiale, note que 86 % des personnes interrogées souhaitent affecter aux services le temps gagné par l’automatisation. Et que 96 % se montrent désormais optimistes quant à l’avenir, même si 68 % d’entre eux voient leur rôle évoluer.

Le comptable de demain devra par ailleurs devenir un coach métier plutôt qu’une personne qui aligne des chiffres, insiste Dossche. ” De nombreux entrepreneurs qui ont créé eux-mêmes leur propre activité prennent comme point de départ un concept de vente et de marketing. Ils ont une idée et vont ensuite y intégrer la technologie, le marketing et la vente. Mais ils n’ont en général aucune notion financière. Ils comptent sur leur comptable pour gérer cet aspect des choses. “

Des jeunes clients veulent pouvoir disposer de leurs informations en ligne 24 h sur 24

Il est dès lors nécessaire de rechercher de nouvelles sources de revenus, poursuit De Goedt. ” Les comptables seront toujours plus sous pression. Les attentes des jeunes clients et des PME ont changé : ils veulent pouvoir disposer de leurs informations en ligne 24 h sur 24. ”

Self-service

Reste cet inconvénient majeur de l’automatisation qu’est la compression des marges. ” Les PME qui numérisent s’attendent à voir baisser les honoraires de leur comptable dans la mesure où toute une partie du travail est faite à l’avance. ” Et le client sait parfaitement qu’une partie du travail du comptable disparaît puisque celui-ci ne devra plus encoder toute une série de chiffres.

Ce constat explique peut-être pourquoi, relève Myriam Vermaut, jusqu’à 38 % des comptables interrogés indiquent craindre de perdre de l’activité. C’est surtout l’idée de la ‘comptabilité en self-service’ qui suscite des inquiétudes, ajoute Dossche. ” Car avec de bons outils, il est possible de faire soi-même une partie de la comptabilité. Mais ce qu’un entrepreneur souhaite désormais, c’est de pouvoir interpréter ces chiffres et de les comparer à d’autres. A ce niveau, le comptable du futur a clairement un rôle à jouer. ” Toujours pour Dossche, il n’y a aucune raison de paniquer. ” Les données sont toujours plus paperless. Je songe en l’occurrence à l’invisible accounting : les paiements mobiles, les paiement SEPA, etc. qui alimentent directement le système et adaptent progressivement la comptabilité. Il s’agit là d’une comptabilité invisible que les entrepreneurs n’entendent pas à nouveau imprimer pour la transmettre à leur comptable. ”

Les chiffres

– Les comptables sont divisés sur la question de savoir si l’administration est agréable ou frustrante :

– 35 % déclarent que c’est la partie la plus agréable de leur travail et

– 38 % considèrent que le temps passé à l’encodage de chiffres est leur plus grande frustration.

– 96 % des comptables interrogés ont confiance en l’avenir de la comptabilité et de leur rôle futur.

– 38 % estiment que les nouvelles technologies émergentes représentent la principale menace pour la fonction de comptable et que celles-ci peuvent reprendre une partie de leurs fonctions actuelles.

Source : Étude Sage ‘Practice of Now’

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