Transformation numérique dans le secteur automobile: sur la voie du bureau roulant

'La fabrication additive', également appelée impression 3D, est de plus en plus utilisée pour l'impression de pièces sur mesure.
Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Longtemps, le secteur automobile a eu la réputation d’avoir quelques années de retard sur les tendances globales du marché en matière technologique. Entre-temps, les constructeurs ont perçu les opportunités qu’offraient le numérique. Une chose est sûre : conduire une voiture ne sera jamais plus comme avant.

Des connexions Bluetooth fragiles, des écrans tactiles difficiles à manier, des interfaces utilisateurs complexes, des systèmes de navigation peu conviviaux : voilà quelques-uns des clichés que de très nombreux conducteurs évoquent lorsqu’il est question des équipements numériques d’une voiture. Ces dernières années pourtant, le secteur s’est efforcé de redorer son image en accélérant l’implémentation du numérique : merci d’ailleurs à Tesla – eh oui ! – qui a réveillé ce monde automobile endormi ainsi qu’au scandale du diesel.

Ce sont surtout les marques premium qui ont pris conscience que le numérique pouvait ne pas être un simple artifice, mais devenir déterminant dans le choix d’une voiture. C’est ainsi que Mercedes-Benz a promis, à l’occasion du 125e anniversaire de l’automobile, qu’elle allait réinventer la voiture. Le constructeur allemand entend en effet abandonner la fabrication d’autos pour devenir un prestataire de services de mobilité. Baptisée CASE, sa stratégie se déploie autour de Connected, Autonomous, Shared/Services et Electric.

De son côté, BMW mise sur le D-ACES, entendez – vous l’aurez deviné — Design, Autonomous, Connected, Electrified et Services. Au-delà des acronymes, ces annonces montrent en tout cas que le secteur automobile entame les mêmes grands chantiers, avec le numérique comme fil rouge.

La 5G doit s’imposer, également en Europe. En 2021, je veux non seulement pouvoir rouler en Corée, que les choses soient claires.

Privilégier la personnalisation

” Je suis à chaque fois surpris de constater le chemin qui a déjà été parcouru. Le numérique est une opportunité évidente dans la mesure où nous pouvons désormais nous tourner vers le client et travailler de manière ‘customer centric’. Cela n’était pas possible voici 5 à 10 ans “, explique Peter Schwarzenbauer, responsable digital business innovation du groupe BMW.

Nous sommes invités à une journée de conférence sur la transformation numérique au centre R&D de BMW à Munich. Le numérique doit notamment stimuler la personnalisation. ” 90 % de l’ensemble des voitures vendues en Belgique sont personnalisées. C’est donc ce que les clients attendent absolument de nous “, ajoute Pieter De Wit de BMW Group Belux. Cette personnalisation se situe notamment dans l’impression 3D ou fabrication additive. Alors qu’au départ, celle-ci était surtout destinée au prototypage rapide – BMW s’est lancée dès 1991 dans la fabrication additive –, la technologie est de plus en plus utilisée pour l’impression de pièces sur mesure. Une nouvelle usine de 6.000 m2 exclusivement spécialisée en impression 3D illustre toute l’importance de cette technologie pour le groupe. En effet, l’impression 3D permet de fabriquer relativement facilement des pièces complexes, mais aussi de faire des économies au niveau du poids. Ce procédé bouleverse aussi fondamentalement la manière de travailler des concepteurs automobiles qui partent traditionnellement d’un modèle CAO. En outre, fini les moules avec l’impression 3D : les données suffisent. La fabrication additive prend une dimension commerciale en permettant d’offrir au client des pièces sur mesure. Ainsi, la toute nouvelle Mini peut se voir dotée d’un clignotant sur lequel est imprimé le nom du conducteur ou toute autre mention. De même, une plaque personnalisée peut être insérée dans le tableau de bord.

Interface utilisateur personnalisée

Mais la personnalisation est aussi et surtout mise en oeuvre dans l’interface utilisateur (UX) de la voiture. Les développeurs de logiciels partent de l’idée que la voiture doit s’adapter au conducteur qui l’utilise. Les instruments de mesure 100 % numériques de l’ensemble du système s’affichent en 3 couleurs différentes selon le profil choisi : bleu (mode éco), gris (équilibré) et rouge (sportif). Une démo nous permet de voir le nouveau système d’exploitation intégré dans la nouvelle X5 pas encore dévoilée : le passage en mode sport se traduit par une diminution sensible de la tenue de route de la voiture, même s’il est difficile de savoir s’il s’agit d’une démo artificielle ou du véritable système tel qu’il sera implémenté dans la X5. En standard, la couleur de l’interface utilisateur est d’ailleurs celle de la carrosserie. L’ensemble de l’interface se commande comme une grande tablette, avec possibilité de basculer entre les écrans de démarrage et de les composer avec uniquement les modules que vous souhaitez voir s’afficher et à l’endroit que vous désirez.

Pour BMW, il est clair que la technologie 5G est indispensable pour que la voiture connectée devienne réalité.
Pour BMW, il est clair que la technologie 5G est indispensable pour que la voiture connectée devienne réalité.

La 5G, élément indispensable de la voiture connectée

Plus les voitures deviendront autonomes dans un avenir (plus ou moins) proche, plus elles seront ‘connectées’. Pour BMW en tout cas, il est clair que la technologie 5G sera indispensable pour permettre la généralisation de la voiture connectée. Il suffit de penser aux cartes routières HD qui doivent supporter le streaming, aux mises à jour continuelles et aux données qui doivent être échangées en permanence avec l’infrastructure routière (le ‘car-to-infrastructure’ en jargon) et/ou avec les autres véhicules sur la route (‘car-2-car communication’). ” Via le LTE et le LTE+, nous évoluerons finalement vers la 5G, prévoit Klaus Fröhlich, responsable de la R&D chez BMW. Mais chaque acteur de l’écosystème souhaite envoyer davantage de données par la carte SIM intégrée dans le véhicule, ce qui posera certainement un défi technique. Mais ce n’est pas pour rien que nous sommes impliqués dans la standardisation de la 5G. La 5G doit s’imposer, également en Europe. En 2021, je veux non seulement pouvoir rouler en Corée, que les choses soient claires. ”

Même si, selon le constructeur, la 5G n’est pas une nécessité absolue pour la voiture autonome, même si les performances et la fiabilité pourront ainsi être améliorées. Qui dit 5G, dit également services. ” Notre offre ‘connected drive’ en matière de services Internet existe depuis 10 ans déjà. Avec la SIM embarquée, nous avons été les premiers et nous entendons également être leader absolu en 5G “, insiste-t-on. Et une fois que la voiture autonome et la voiture connectée 5G seront une réalité, on peut se demander à quoi ressemblera un trajet en voiture.

“La voiture devient clairement le prolongement du bureau

La conduite ne sera jamais plus pareille

” Une chose est claire : les choses ne seront jamais plus comme avant. Après 2021, l’intérieur d’une voiture sera totalement différent. C’est ainsi que nous devons d’ores et déjà songer à l’insonorisation et à l’agencement du véhicule lui-même “, explique encore Klaus Fröhlich. Evoluera-t-on dès lors vers un scénario où la voiture roulera toute seule et où le conducteur pourra consacrer son temps à des choses plus utiles plutôt que d’être au volant et d’appuyer sur les pédales ?

Pour Mercedes-Benz, il est en tout cas clair que l’entreprise doit évoluer vers un prestataire de services de mobilité. ” Cette évolution s’accentuera à mesure que la voiture se transformera d’un pur outil de déplacement en une ‘maison’ où il sera possible de conduire, de travailler ou de se reposer “, estime Helen Van Nuffelen de Mercedes-Benz Belux. Une conviction que partage clairement son grand concurrent BMW. Pour preuve, nous avons récemment appris qu’Office 365 allait être disponible pour les voitures, tandis qu’il sera possible de skyper. ” L’évolution montre clairement que la voiture devient le prolongement du bureau. C’est ainsi que nous allons certainement voir apparaître des ‘office car models’ dans le segment occupé aujourd’hui par les ‘voitures de société.’ Je suis par ailleurs convaincue que la visioconférence dans les voitures sera un jour aussi courante que le téléphone mains libres, ajoute Peter Schwarzenbauer. Reste qu’il faudra accepter que la qualité ne soit pas toujours aussi bonne dans la mesure où la priorité sera donnée à la sécurité du véhicule. La 5G sera un facilitateur à ce niveau, avec sa QoS et la prioritisation de certains services. ”

Sécurité, le mot est lâché. ” La sécurité est ma priorité première, à savoir la sécurité de la voiture lorsqu’il est question de 5G et de voiture connectée. C’est ainsi que je veux en finir avec les ‘dongles’ qui finissent par être piratés. Je préfère en arriver à un dorsal totalement crypté et sécurisé, ajoute Klaus Fröhlich. A nos yeux, une bonne sécurité – également au niveau de la vie privée – est une fonction premium. Et un client premium risque d’être perdu si l’on va trop loin. ”

Collaboration dans l’industrie

Par ailleurs, la collaboration est indispensable. ” On parle de ‘frenemies’, sourit Peter Schwarzenbauer en faisant référence à la collaboration entre le BMW Group et le Daimler Group en matière de ‘Mobility-as-a-Demand’. Les deux acteurs sont copropriétaires de HERE, précédemment aux mains de Nokia. HERE est en quelque sorte un concurrent des applis telles que Waze ou TomTom, mais se qualifie de plate-forme de localisation ouverte. Ainsi, les données de trafic des véhicules de BMW et de Mercedes-Benz sont agrégées au sein d’une même plate-forme.

Tant Mercedes que BMW misent sur leur propre système d’info-loisirs et ajoutent des services supplémentaires. Lorsque l’on sait qu’il est impossible de faire mieux que Spotify, pourquoi vouloir développer soi-même une plate-forme, expliquent les constructeurs. De même, une société comme Nuance fournit sa technologie de commande vocale à plusieurs fabricants. ” Pour l’instant, on recense dans le monde plus de 200 millions de voitures équipées de la technologie connectée Dragon Drive de Nuance. Ce qui a commencé modestement comme une solution permettant à une téléphoniste d’appeler en mains libres s’est mué en un assistant intuitif et intelligent qui se prépare à permettre de piloter la voiture autonome du futur “, explique Geert-Jan Kruijff, director technical product management in Nuance Mobility. A l’en croire, les voitures s’adapteront toujours plus à leur conducteur et aux passagers, et anticiperont leurs besoins. ” Certains pensent qu’il s’agit là de science-fiction, d’autres que cette évolution est inquiétante. Mais à mesure que la voiture intelligente communiquera de manière naturelle avec ses utilisateurs et rencontrera leurs désirs, plus la confiance s’installera. Les utilisateurs apprécieront leur voiture intelligente capable de leur rendre de précieux services dans la vie courante “, conclut Kruijff.

La classe A de Mercedes est dotée d'une interface commandée au départ d'un grand écran tactile
La classe A de Mercedes est dotée d’une interface commandée au départ d’un grand écran tactile

Commander et payer sa voiture en ligne

La transformation numérique touche également le canal de vente. C’est ainsi qu’Audi France a introduit récemment un nouveau canal de paiement en ligne permettant de pré-réserver un SUV 100 % électrique. La technologie de paiement est gérée par Keyware, un spécialiste belge des paiements électroniques via sa filiale française Magellan, par ailleurs développeur de logiciels. ” Il ne s’agit là que d’une première étape d’une innovation majeure dans le domaine du paiement en ligne. C’est ainsi qu’il sera bientôt également possible de payer à l’avance l’entretien de son Audi ou de réserver en ligne une place pour un événement sur myAudi “, explique Arnaud Richter, responsable des plates-formes clients et de l’e-commerce chez Audi France.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire