2017, l’année durant laquelle les firmes technologiques ont commencé à prendre le sexisme au sérieux

Le phénomène #MeToo © Laurent Chamussy/ISOPIX
Els Bellens

2017 a été entre autres l’année de #metoo, l’année des révélations d’intimidation sexuelle et ce, au grand étonnement d’une partie de la population mâle (mais d’aucune femme). Dans le secteur technologique, le mouvement avait cependant démarré nettement plus tôt. Aperçu.

Longtemps avant #metoo, il y eut #deleteuber. Le boycot basé sur le hashtag moderne s’était déjà manifesté à plusieurs reprises et non des moindres parce qu’Uber a en tant qu’entreprise fait particulièrement souvent parler d’elle. C’est que le service de taxi a durant l’année écoulée été aux prises avec des scandales à répétition, même si ici, nous nous en tiendrons spécifiquement au sexisme et à l’intimidation sexuelle, comme l’a dénoncé Susan Fowler. Cette ingénieure a en effet révélé en avril dernier dans un communiqué posté sur son blog et largement partagé ses expériences en tant que collaboratrice d’Uber. Soudain, on a vu ainsi apparaître au grand jour, de manière détaillée et dans un langage haut-en-couleur ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps déjà: l’ambiance olé-olé de la Silicon Valley, la manière ‘estudiantine’ de travailler, où tout est permis, sans donc passer par la case demande d’autorisation, même lorsqu’il question de tripoter le corps des femmes. Cela existe donc vraiment.

Les capital-risqueurs et les femmes

Ce n’était pas là, et de loin, la première histoire de directeurs et de capital-risqueurs tout puissants dans ce petit monde. Mais ce fut la première à avoir de véritables effets. Quelques mois après la sortie de ce terrible communiqué, le CEO d’Uber, Travis Kalanick, se vit en effet forcé de prendre la porte. Et comme dans un jeu de dominos, d’autres têtes tombèrent après lui.

On vit alors s’excuser Chris Sacca, l’un des premiers investisseurs dans Twitter, Uber et Instagram, dans un post ‘sentimental’ sur Medium pour son attitude. Sacca fit cette révélation la veille même du jour où le journal The New York Times publia un long rapport sur la manière dont des capital-risqueurs traitaient les femmes. Comme par hasard! Le journal invita douze entrepreneures technologiques à partager leurs expériences au travail, et les résultats furent complètement déprimants, comme on pouvait sans doute s’y attendre.

Le directeur de 500 Startups, Dave McClure, notamment fut décrit comme un homme aux mains baladeuses, tout comme le susmentionné Chris Sacca, qui dément du reste la plupart des accusations. McClure, qui n’est aujourd’hui plus à la tête de 500 Startups, reconnut à son tour, suite à l’article paru, dans un message quelque peu plus honnête posté sur son blog qu’il s’était comporté comme ‘un salaud’.

Le journal avait rédigé ce rapport après un procès intenté par une employée de l’entreprise de capital-risque Binary Capital à l’encontre de l’un des fondateurs de cette dernière, Justin Caldbeck. La dame en question accusa aussi l’homme de calomnie. Il ne lui aurait pas permis de trouver un autre travail, après qu’elle ait quitté l’entreprise partiellement à cause de l’ambiance sexiste qui y régnait. Le lendemain de l’annonce de la plainte, six autres femmes déposèrent des plaintes pour dénoncer les avances sexuelles indésirables de la part de Caldbeck. L’homme a entre-temps démissionné de son poste chez Binary Capital.

Et tout cela avant #metoo

Après le scandale provoqué par le producteur hollywoodien Harvey Weinstein, nombre de femmes travaillant dans diverses industries sentirent que le moment était venu de se faire entendre elles aussi. Le nom le plus important révélé par #metoo dans la Silicon Valley fut celui du blogueur Robert Scoble. Ce dernier a entre-temps aussi démissionné de sa fonction au sein de l’entreprise de consultance. Il n’y en eut pas beaucoup d’autres, peut-être en partie parce que le mouvement était depuis quelque temps déjà amorcé dans le monde technologique, avant qu’il ne submerge le secteur des loisirs.

Le sujet est-il pour autant épuisé? Probablement pas. Pour une industrie comme celle de la technologie qui aime se qualifier de progressiste, le sexisme et l’intimidation sexuelle sont particulièrement bien ancrés. C’est ce que démontre entre autres l’étude ‘Elephant in the Valley’. L’enquête, effectuée auprès de femmes, dont 91 pour cent habitent et travaillent dans la Silicon Valley, révèle notamment que 88 pour cent d’entre elles ont déjà été aux prises avec une forme ou une autre de comportement sexiste. Soixante pour cent ont déjà dû repousser des tentatives d’attouchement. Le problème existe donc à coup sûr, même si on n’en a jusqu’à présent que peu parlé.

C’est ce que prétend aussi Melinda Gates, de la Melinda & Bill Gates Foundation, dans une opinion parue dans Time Magazine: “2017 est une année charnière pour les femmes au travail et en dehors. Au lieu de nous voir contraintes de revenir sur nos plaintes ou d’être mises sous pression en vue d’une démission, faisons désormais entendre notre voix, plus fortement que jamais avant. Car, plus important encore, le monde nous écoute enfin.”

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