Pieterjan Van Leemputten

Bullshit 101, bienvenue dans la classe de Mark Zuckerberg

Facebook va en faire plus pour protéger notre confidentialité. Cela a des airs de Marlboro qui vous conseille de fumer dorénavant un demi-paquet de cigarettes par jour au lieu de deux. Car dans ce cas, vous resterez probablement client plus longtemps.

Le message de Zuckerberg sonne creux. Les ‘posts’ vont disparaître plus rapidement, les messages seront cryptés, et Facebook ne devra plus tout tenir à jour sur vous. C’est mieux certes, mais cela ne va pas changer grand-chose. Facebook saura encore et toujours où vous serez, ce que vous posterez, aimerez, avec qui vous vous trouverez sur le même réseau wifi ou encore où vous irez rendre visite à un psychologue (et de qui il s’agira). Et le fait que les messages soient cryptés en 2019, c’est tout à fait normal.

“Le problème de confidentialité de Facebook n’a jamais porté sur ce que vos amis pouvaient voir. Non, le gros problème de Facebook porte sur ce que Facebook fait tout simplement”

Le problème de confidentialité de Facebook n’a jamais porté sur ce que vos amis pouvaient voir. Non, le gros problème de Facebook porte sur ce que Facebook fait tout simplement. Comment l’entreprise utilise ces informations et les fait utiliser par des entreprises (les revendre n’est pas le terme technique correct, mais les louer, c’est mieux). Facebook ne doit pas savoir ce que vous dites dans des conversations privées. Il lui suffit de savoir avec qui vous parlez, où vous vous trouvez (et avec qui) ou quels sites vous visitez. Ou peut-être pensiez-vous que le bouton ‘j’aime’ ne servait qu’à préciser ce que vous appréciez?

Les mesures que Facebook va prendre, sont-elles une bonne chose? Oui. Feront-elles de Facebook une meilleure plate-forme? Non. Elles s’attaqueront tout au plus à la perception que suscite l’entreprise qui enfreint le plus le respect de la vie privée au monde. Facebook va se taillader tout au plus un peu la peau, afin d’éviter des dommages nettement plus importants (le départ de grands groupes d’utilisateurs ou des amendes infligées par les autorités de contrôle du respect de la vie privée).

Ce qui me rassure encore le plus, c’est que Facebook signale qu’elle ne doit pas conserver éternellement certaines métadonnées. Mais l’entreprise reste cependant très vague sur ce sujet, ce qui fait que cela ne fera pas non plus une grande différence. Facebook n’a finalement que faire (ou si peu) d’un message datant de 2010, où vous êtes décrit comme un amateur de bière. Le fait que vous avez passé vendredi soir trois heures au café (ce qu’elle sait grâce à son appli pour smartphone) ou que vous avez l’année dernière visité une brasserie, est plus que suffisant pour vous présenter de la publicité vantant les mérites de telle ou telle marque de bibine.

Ce que fait Facebook à présent, apparaît comme une grande volte face, alors que c’est tout au plus un léger changement de barre d’un paquebot qui suit encore et toujours le même cap sur le plan de notre vie privée. C’est comme cet homme qui promet à sa femme de ne plus la tromper dorénavant que trois fois par an, au lieu de cinq. Il y a une amélioration, mais cela n’est toujours pas ce que cela devrait être.

Ne doit-on pas donner à Facebook l’avantage du doute?

Nous l’avons déjà fait. Durant les onze années que je consacre des articles à Facebook, il ne se passe pas six mois sans un problème ou l’autre. Cela fait quinze ans déjà que l’entreprise pratique le même modus operandi, par lequel elle dépasse largement la ligne rouge, elle se fait attraper ou huer par les utilisateurs, elle présente ses excuses et promet de ne plus jamais recommencer. Le tempo est si identifiable que j’y avais l’année dernière déjà consacré une opinion. Je ne suis pas enclin à croire Facebook, parce que l’entreprise traîne un passé plein de mensonges, de tromperies délibérées et de vaines promesses.

Quelques exemples?

Lors du rachat de Whatsapp, il avait été dit que le service resterait distinct de Facebook. Cela va changer bientôt.

Un petit test ludique qui mettait la main sur des informations de dizaines de millions d’utilisateurs? Cambridge Analytica bien sûr. Facebook aime répéter qu’elle ne l’avait jamais autorisé, mais le fait est qu’elle a permis au niveau technique que ce genre d’appli ait un accès abusif à nos données personnelles.

Dans sa quête de davantage de données et d’interactions, Facebook voulut en 2012 concurrencer l’e-mail. Son approche? L’adresse mail par défaut dans votre profil Facebook était automatiquement et sans avertissement remplacée par votre nom d’utilisateur @facebook.com, et les messages aboutissaient directement dans Messenger.

Si Zuckerberg déclare à présent que la communication orientée confidentialité devient plus importante, ce qui est littéralement le contraire d’une déclaration qu’il fit, il y a quelques années, lorsqu’il affirma que le respect de la vie privée allait disparaître à terme. Assez ironiquement, les gens trouvent à présent le respect de leur vie privée plus important précisément à cause de Facebook. L’entreprise analyse chaque trace que vous laissez, jusqu’à savoir ce que vous avez mangé la veille au soir. Or les utilisateurs ne savent pas avec quelles firmes ces informations sont partagées.

Cette semaine encore, on a eu droit à une nouvelle promesse non tenue. Facebook avait en effet promis que si vous décliniez votre numéro de téléphone à des fins de sécurité de connexion supplémentaire (2FA), le réseau social ne l’associerait pas à votre compte. Ici encore, l’entreprise semble avoir menti.

Je pourrais continuer encore un certain temps à citer des problèmes, scandales, erreurs, estimations fautives, excuses de toutes sortes qui ont émaillé ces quinze dernières années. Mais le fait est qu’avec Facebook, on ne voit plus depuis longtemps déjà de différence entre la réalité vraie et la réalité virtuelle. Mark Zuckerberg vit dans le même monde que Donald Trump. Aussi longtemps qu’ils débitent des inepties, les gens oublient qu’ils divaguent depuis pas mal de temps déjà.

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